Dans un climat juridique plus que défavorable aux conducteurs, la Cour de Cassation a rendu, le 26 mars dernier, un arrêt qui pourrait changer la donne pour de nombreux automobilistes (Crim., Cass, arrêt n°338, 18-84.900).
Désormais, les juges devront systématiquement appliquer aux taux d’alcool mesurés par éthylomètre la marge d’erreur prévue par les textes légaux.
En effet, avant cette décision, les juges avaient le libre-choix d’appliquer ou non ces marges d’erreur, selon s’ils voulaient ou non faire preuve d’indulgence à l’égard des automobilistes.
Cette solution, qui aboutissait à une inégalité certaine de traitements entre les justiciables, vient d’être remise en cause par une décision rendue le 26 mars dernier par la Cour de Cassation.
Qu’est-ce qu’une marge d’erreur ?
Pour chaque appareil de contrôle, il existe en principe une marge d’erreur technique qu’il convient de prendre en compte pour être sûr que l’appareil ne s’est pas trompé dans les mesures prises. La marge d’erreur est d’ailleurs appliquée de manière systématique en matière d’excès de vitesse, étant rappelé que les avis de contravention font toujours état de deux vitesses : celle enregistrée par le cinémomètre et celle finalement retenue (déduction faite de la marge d’erreur).
En matière d’alcool, s’il existe depuis de nombreuses années une loi prévoyant l’application d’une marge d’erreur, peu de juges l’appliquaient.
Ainsi, l’article 15 de l’arrêté du 8 juillet 2003 relatif au contrôle des éthylomètres précise les marges d’erreur applicables, à savoir :
- 0,032 mg/l pour les concentrations en alcool dans l’air inférieures à 0,400 mg/l,
- 8% de la valeur mesurée pour les concentrations égales ou supérieures à 0,400 mg/l et inférieures ou égales à 2,000 mg/l et,
- 30% de la valeur mesurée pour les concentrations supérieures à < 2,000 mg/l.
Ces marges d’erreur doivent être déduites du taux initialement mesuré par l’éthylomètre.
La nouveauté de la décision du 26 mars 2019 : l’obligation pour les juges de faire application de cette marge d’erreur
Par la décision du 26 mars 2019, les juges ont désormais l’obligation de faire application de cette marge d’erreur.
Concrètement, cela signifie que si un automobiliste est contrôlé avec un taux de 0,41 mg/l,, il est au-dessus du seuil légal délictuel qui, rappelons, se situe à 0,40 mg/l.
Il s’expose ainsi à : une perte de 6 points sur son permis de conduire et à une suspension, voire à une annulation de son permis en cas de récidive.
Avec l’application de la marge d’erreur, le taux de 0,41 mg/l mesuré sera ainsi ramené à 0,3772 mg/l, et donc, en-dessous du seuil délictuel.
Si l’infraction reste tout de même verbalisable en tant que contravention, les conséquences seront moindres car seul une perte de points sera en principe encouru.
L’application de la marge d’erreur peut même, dans certains cas, exclure la caractérisation de l’infraction.
Ce sera notamment le cas du conducteur, contrôlé par exemple à 0,27 mg/l et dont le taux sera alors ramené à 0,238 mg/l. L’application de la marge d’erreur aura ainsi pour conséquence de le porter en-dessous du seuil contraventionnel : ce dernier ne sera donc plus en infraction.